CONCLUSIONS

 

Dans l'appréciation d'un traumatisé crânien interviennent deux aspects fondamentaux:

A) La recherche des signes d'expansivité intracrânienne, qu'il s'agisse d'un hématome extradural ou sous-dural. Parmi ces signes, c'est l'altération secondaire de l'état de vigilance qui fera immédiatement penser à la possibilité d'un hématome, bien qu'elle puisse aussi être due au développement de l'oedème cérébral. Les autres signes (troubles phasiques, parésie de nerfs oculomoteurs, atteinte du système pyramidal, céphalées persistantes, vomissements, etc.) n'orientent le diagnostic que s'il sont apparus secondairement. Nous ne nous étendrons pas sur les difficultés de diagnostic lorsqu'on est confronté à un patient comateux dès l'admission ou en état d'éthylisme aigu.

B) L'analyse des signes de latéralisation permettant de déterminer de quel côté l'hématome est le plus susceptible de se développer. Le premier élément à rechercher est la lésion du cuir chevelu qui aide souvent à localiser le côté de la fracture visible sur les radiographies. Parmi les autre signes extérieurs moins fréquents, signalons le plus fiable, l'épanchement sanguin dans l'oreille moyenne (moins de 1% d'otorragies ou d'hématotympans isolés controlatéraux à l'HE). Les signes neurologiques de latéralisation sont tous moins fiables, probablement en raison d'une fréquence élevée de lésions cérébrales associées; la mydriase, qui semble quand même être le meilleur signe, s'avère insuffisante à elle seule pour déterminer le côté à trépaner.

 

Chez un certain nombre de patients trépanés, on voit qu'il manquait un ou plusieurs signes parmi les trois plus importants: notion de péjoration de l'état de conscience depuis l'accident ou d'apparition de nouveaux signes neurologiques, existence d'une fracture du crâne sur les radiographies, présence d'une mydriase unilatérale du même côté que la fracture. Il intervenait donc dans plusieurs cas des considérations subjectives de la part de l'opérateur, complétant l'appréciation neurologique globale du cas. Il faut noter aussi l'importance des renseignements cliniques fournis par les hôpitaux périphériques où se trouvent les premiers médecins à même de rapporter l'évolution neurologique.

Considérant l'influence variable du temps de latence entre l'apparition de la mydriase et l'opération sur les séquelles neurologiques à long terme, on peut se demander si dans un plus grand nombre de cas on aurait pu demander un CT-scan cérébral avant d'opérer. D'un autre côté, la bénignité du geste explorateur, quand il s'agit d'un trou de trépan (en effet, aucune séquelle, si ce n'est esthétique, n'a jamais pu être mise sur le compte de la trépanation dans notre collectif de 195 opérés), rend cette opération tentante, même en l'absence d'un nombre élevé de critères sûrs.

b) Supports diagnostiques

 

On peut actuellement s'en tenir à trois méthodes qui se complètent mutuellement:

- La radiologie standard du crâne, qui montre la fracture dans 92% des cas lorsque celle-ci est présente, mais qui ne permet pas toujours d'en déterminer le côté.

- La tomographie transverse cérébrale est devenue l'unique méthode d'exploration du contenu de la boîte crânienne chez les traumatisés crâniens. D'excellente sensibilité et spécifité, cet examen doit cependant être répété lorsqu'une récidive ou un nouvel hématome sont suspectés. Après étude de notre casuistique, nous pouvons définir dans les grandes lignes les indications à l'examen tomographique chez les traumatisés crâniens lors de leur admission:

Il ne fait pas de doute que l'utilisation du CT a beaucoup contribué à la baisse du taux de mortalité chez les traumatisés crâniens. Sans CT, par exemple, l'issue aurait certainement été fatale pour la plupart des sept patients trépanés qui ont été opérés à plusieurs reprises (voir chapitre des interventions pratiquées chez les patients trépanés, page 30 ).

- Les trous de trépan ont vu leurs indications diminuer considérablement depuis l'installation du CT, mais leur rôle thérapeutique peut parfois permettre d'éviter des compressions cérébrales mortelles.

 

c) Rôle diagnostique des trous de trépan

 

La vision directe des lésions reste le meilleur moyen de poser un diagnostic. Des 195 patients chez qui on a évacué un hématome intracrânien pendant la période d'étude, 14,4% ont été opérés sans CT préalable. Il est cependant dangereux de vouloir trépaner s'il n'existe aucun signe de latéralisation (ce qui est souvent le problème des HE du vertex, de la région sous-frontale ou de la fosse postérieure); il est préférable dans ces cas d'opter d'emblée pour le CT-scan. N'oublions pas non plus les cas où les trous de trépan, pourtant pratiqués aux emplacements habituels, sont passés juste à côté d'un hématome.

L'avantage du trépan est de ne pas dépendre de moyens technologiques sophistiqués, et d'être praticable par tout chirurgien. Sa réalisation dans les cas évoluant très rapidement est à envisager à l'hôpital périphérique déjà. Mais son importance dans le diagnostic ne doit pas faire oublier que ce n'est pas un geste thérapeutique définitif, ce dernier étant du ressort du neurochirurgien.

d) Indications de la trépanation

 

Dans la littérature récente, nous n'avons pas trouvé de mise au point concernant l'attitude nouvelle à adopter depuis que le CT est disponible presque partout. Dans cette étude, nous avons pu définir une ligne de conduite permettant, dès que le bilan neurologique et radiologique d'entrée du traumatisé est fait, de diriger le patient soit sur le CT-scan, soit en salle d'intervention pour une trépanation immédiate. Pour opérer ce choix, nous avons défini précédemment (page 32) des critères déterminants pour l'indication à trépaner, que l'on recherchera au cours d'un raisonnement en trois étapes:

 

1. Présence d'arguments suffisants pour suspecter l'existence d'un hématome évacuable?

2. Estimation du degré d'urgence du cas: y a-t-il aggravation neurologique rapide ne pouvant être freinée que par un geste immédiat?

3. Les signes cliniques et radiologiques indiquent-ils de manière suffisamment fiable le côté susceptible d'être trépané?

 

La première étape repose sur l'examen des signes externes, des signes neurologiques et des radiographies. On gardera toutefois à l'esprit que tous ces signes sont aussi compatibles avec la présence de lésions cérébrales uniquement.

La seconde étape doit être abordée en rassemblant suffisamment d'éléments anamnestiques sur l'évolution du patient depuis le traumatisme. On fera un rapide bilan des nouveaux signes neurologiques apparus depuis l'admission. Il faudra finalement tenir compte du délai occasionné par la réalisation d'un CT, avec les risques d'apparition de lésions neurologiques irréversibles dans l'intervalle. Le but de la démarche est d'éviter à tout prix le stade de la souffrance du tronc cérébral (apparition d'une mydriase bilatérale, d'un coma, de signes de décérébration), qui est associée à une importante morbidité et mortalité (8, 16, 21).

Enfin, pour justifier la troisième étape, il faut souligner que si l'on ne possède pas assez d'arguments pour déterminer le côté à évacuer, le temps passé à trépaner des deux côtés peut être préjudiciable au patient. Dans les cas présentant peu de signes de latéralisation, nous avons constaté que le risque est plus grand d'avoir affaire à un hématome de localisation inhabituelle ou à une lésion cérébrale sans hématome immédiatement évacuable.

Nous avons montré que si la fracture, la mydriase homolatérale et la notion de péjoration de l'état de conscience sont présents, le risque de trépaner inutilement est quasiment nul. Tous les patients trépanés d'emblée sans le critère de la péjoration secondaire de l'état de conscience avaient cependant un hématome, ce qui nous autorise à conserver l'indication opératoire, si sont réunis les signes composant le "critère relatif". Si l'état des patients appartenant à ces deux groupes s'aggrave rapidement, une trépanation sans CT préalable devra donc être entreprise immédiatement. En revanche, notre étude a montré que, indépendamment des autres signes, s'il manque soit la dilatation pupillaire, soit la fracture de la calotte crânienne, une trépanation devient un geste hasardeux. On lui préférera le diagnostic préalable par le CT. Ses indications, valables pour les adultes, sont probablement à élargir chez les jeunes enfants, qui ont une proportion plus grande d'HE sans fracture du crâne.

 

 
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