IV DISCUSSION

a) Présentation clinique des hématomes épiduraux

 

A. Fractures et radiographies du crâne

Les pourcentages habituels d'HE sans fracture de la calotte vont de 3% (17) à 40% (9). La proportion est assez basse dans notre série de 128 HE: 3,1%. Sur l'ensemble des HE, seuls 8% des radiographies standard (pour 124 patients qui avaient une fracture) ne montraient pas la fracture. Ce chiffre correspond aux 7,9% de Gallagher (14), mais d'autres auteurs décrivent jusqu'à 20% de faux négatifs (1). Nos résultats nous permettent d'affirmer que la radiographie standard est un temps fondamental dans le diagnostic d'un traumatisé crânien. Il ne faut cependant pas oublier que chez les petits enfants la fracture est souvent absente (52% dans un collectif de 23 cas [34]).

Relevons que nous n'avons eu qu'un cas d'HE simple avec une fracture controlatérale. par contre, trois HE bilatéraux sur quatre n'avaient qu'une seule fracture. Frank (25) recense une proportion de 30% d'HE bilatéraux ayant une fracture unilatérale. Inversement, sur 16 patients de notre collectif porteurs d'une fracture bilatérale, un seul avait un HE bilatéral.

 

Dans la série des cas trépanés, la majorité des cas d'HE avaient une fracture nettement visible sur les radiographies. Cependant, relevons que dans deux cas d'HE la fracture n'a été diagnostiquée qu'à l'opération., dans un autre cas elle était bilatérale donc n'indiquait pas le côté à explorer, et chez les deux derniers patients l'existence radiologique de la fracture n'était pas certaine. Chez les patients porteurs d'un HSDA, 2 radiographies sur cinq n'aidaient pas au diagnostic ou même induisaient en erreur (fracture controlatérale). Quant aux trois cas sans hématome, aucune radiographie ne révélait un trait de fracture latéralisé.

Ce dernier collectif démontre également l'utilité des radiographies. En effet, les 21 collections épidurales étaient accompagnées d'une fracture, toujours située du côté de l'hématome. Rappelons que pour les HSDA, la radiologie a beaucoup moins de valeur: dans notre série de 56 HSDA purs, Seuls 50% des patients présentaient une fracture de la calotte, dont plus de la moitié (57%) du côté opposé à l' HSDA.

 

B. Otorragie ou hématotympan

Ce signe, bien que constaté seulement dans un peu plus d'un tiers des cas, se révèle très fiable pour indiquer le côté de l'HE (2% de risques d'erreur, soit 1% de plus qu'avec les indications fournies par les radiographies du crâne). La littérature cite une fréquence d'otorragie de 15% (19) à 25% (12), sans préciser la relation avec le côté de l'hématome. Il est donc indispensable d'inclure l'otoscopie dans le bilan initial du traumatisé crânien.

Dans la série des trépanés, le signe était présent dans un tiers des cas (mais chez 40% des HE, et jamais controlatéral).

 

C. Contusion ou plaie du cuir chevelu

La lésion du cuir chevelu apparaît comme un signe moins fiable, puisque près de 10% (8,7%) des cas peuvent induire en erreur; mais ce signe est au moins deux fois plus fréquent que l'otorragie. Avec une fréquence de 80%, nos résultats correspondent à ce qu'ont trouvé d'autres auteurs: de 57% (17) à 82% (19) des patients ont une lésion du cuir chevelu.

Il faut remarquer que dans la série des cas trépanés, la fréquence de ce signe est un peu plus basse (60% des 28 patients mais 65% des 20 HE). Il n'empêche que la lésion du cuir chevelu est un important signe de localisation, facile à observer si l'on inspecte attentivement la surface du crâne.

 

D. Signes pupillaires

L'incidence de ce signe chez les porteurs d'HE est d'environ 50% dans la plupart des études (Jamieson: 47,3% des HE [8]). La mydriase est controlatérale dans un peu moins de 10% (7,2% [14]); ce phénomène se produit lorsque le nerf III est comprimé par le mésencéphale contre le bord libre de la tente du cervelet. Dans notre collectif, la fréquence du signe est de 68%. Près de 18% des mydriases sont controlatérales (ce qui équivaut à 12% du total des patients). Remarquons cependant que sur les 15 patients qui avaient une mydriase controlatérale, 12 (80%) souffraient d'une contusion cérébrale.

Dans la série des trépanés sans CT préalable, aucun patient n'a été opéré avant l'apparition d'une dilatation relative ou complète d'une pupille au moins; mais chez un patient qui avait un HE, l'indication à une craniotomie a été posée avant l'apparition de la mydriase (sur la base d'une notion d'intervalle libre, d'une bradycardie et d'une fracture avec signes pyramidaux controlatéraux). Un hématome existait du côté de la mydriase initiale chez 21 patients (73,6% du collectif, 88,0% des 24 patients qui avaient au début une mydriase unilatérale). Il faut relever qu'aucune mydriase n'était controlatérale à un hématome intracrânien.

Le signe de la mydriase, souvent présent, apparaît donc légèrement moins fiable que les lésions du cuir chevelu pour déterminer le côté de l'hématome. Mais son importance tient au fait qu'il reflète ce qui se passe réellement à l'intérieur de la boîte crânienne. Rappelons que c'est son apparition secondaire qui doit faire suspecter un hématome intracrânien; mais ce signe est trop tardif pour qu'on puisse se permettre de l'attendre avant de prendre une décision.

 

E. Signes pyramidaux

Un hémisyndrome moteur unilatéral partiel ou complet a été observé chez 55% de nos HE. La localisation homolatérale de l'atteinte motrice induisait en erreur dans près d'un quart des cas, que le patient ait ou non une contusion cérébrale. Nos données corroborent celles de la littérature, qui mentionne l'atteinte pyramidale chez 1/3 à 2/3 (9) des patients. Dans la série de Gallagher (14), 67% des HE avaient des signes pyramidaux controlatéraux, mais Jamieson ne mentionne que 27% d'hémisyndromes.

Dans la série des trépanés, l'atteinte pyramidale unilatérale est moins fréquente (42,8% au total, 50% des HE), mais moins souvent homolatérale (16,7%).

Comme la mydriase, la valeur de ce signe, lorsqu'il apparaît secondairement, est de signaler la présence d'une compression cérébrale.

 

F. Intervalle conscient

Un tiers des 106 HE aigus ont présenté un véritable intervalle conscient, mais une péjoration de l'état de conscience a été observée chez la moitié des patients.

Dans le collectif des patients trépanés d'emblée, la perte de connaissance n'est certaine que dans 57% des cas. Un intervalle conscient se retrouve chez 81% des HE, et chez 21 patients au total (75%). Un seul des cas sans hématome a présenté un bref intervalle conscient. L'intervalle lucide classique existe dans 9 cas (32,1%) dont 8 sont des HE. Il est frappant de constater que les HSDA et les cas sans hématome se retrouvent pratiquement tous dans le groupe des patients dont l'état s'aggrave rapidement après le traumatisme.

L'observation de l'état de conscience s'avère donc indispensable pendant la surveillance des traumatisés crâniens. La somnolence est un témoin très sensible du développement d'un hématome intracrânien, puisqu'elle précède presque toujours l'apparition de signes pupillaires ou pyramidaux.

 

G. Contusions cérébrales associées

Le diagnostic de contusion était basé le plus souvent sur le CT et le status opératoire, mais parfois seulement sur des signes cliniques indiscutables. Près de 70% de nos HE étaient associés à une contusion cérébrale. Dans deux autres séries, il est fait mention des contusions cérébrales associées: 29% (19), 53% (17).

L'étude comparative des patients avec et sans contusion cérébrale révèle des différences considérables dans l'évolution de l'état de conscience. S'ils n'ont pas de contusion, les patients ont presque deux fois plus de chances d'arriver conscients à l'hôpital et, respectivement, de présenter une péjoration neurologique par la suite. La mydriase controlatérale est deux fois plus fréquente chez les patients porteurs d'une contusion.

Dans la série des cas trépanés, plus de la moitié avaient une contusion cérébrale; celle-ci était souvent du même côté que l'HE.

 

H. Mortalité et séquelles

L'existence d'une contusion cérébrale assombrit le pronostic, triplant la mortalité et le nombre de séquelles graves dans notre collectif, avec l'âge comme facteur négatif supplémentaire. Dans le collectif de Tapiero (17), le premier CT montrait des lésions intracérébrales chez la moitié des HE à évolution défavorable.

Tout délai qui peut laisser s'installer une compression des centres vitaux (24), et la durée de celle-ci, sont des éléments déterminants pour la récupération neurologique post-opératoire; l'âge joue ici aussi un rôle amplificateur. Dans la série des 125 HE, nous n'avons pas de données chronologiques suffisantes pour établir une corrélation entre la mortalité et le délai entre l'apparition de nouveaux signes et l'intervention. Reverdin, dans une étude récente (5), insiste sur l'importance de la rapidité du traitement dans les premières heures.

Chez les patients opérés sans CT (28,6% de mortalité), on peut faire deux observations:

Dans cette même série, on compte 8 patients avec clés séquelles motrices ou neuropsychologiques qu'on peut qualifier de graves à quatre reprises (14% des 23 patients).

Hooper (40) avait démontré que le seuil de mortalité obligatoire se situait autour de 10%; de plus en plus d'auteurs (16, 5) prétendent l'abaisser encore. Mais cet objectif est limité d'une part par le délai obligatoire du transport et du diagnostic, et d'autre part par la présence inévitable d'autres lésions intracrâniennes de moins bon pronostic chez les grands traumatisés.

 

I. Localisation des hématomes

Si l'on additionne tous les HE qui touchent une partie latérale de la convexité, on arrive à une proportion de 82,6% de tous les HE; ce chiffre est un peu supérieur à ce qu'on trouve dans la plupart des autres études (60 à 75% des HE sont latéraux). Comme nous l'avons souligné dans l'introduction, ces hématomes deviennent souvent plus vite symptomatiques que les autres. La localisation purement frontale existait dans près de 16% de nos cas (les descriptions vont de 11 à 15%), mais remarquons que 34% des HE touchaient la région frontale. Les HE du vertex (1,3% chez Zuccarello [35]) sont particulièrement difficiles à diagnostiquer, et peuvent être manqués au CT si les coupes ne remontent pas jusqu'au sommet du crâne. Seuls 2 HE étaient occipitaux dans notre série (proportion décrite jusqu'à 11%). Les HE bilatéraux représentaient 3,1% des 128 HE (les diverses études reportent une proportion allant de 1,6 à 10% [25, 26]).

 

VI Signes divers

a) La bradycardie:

Nous avons retenu comme bradycardie une fréquence cardiaque plus petite ou égale à 60/minute.

Classiquement décrite, la bradycardie se retrouve dans 20% (8) à 51% (14) des cas; dans notre collectif de 125 patients, 32 (25,6%) étaient bradycardes à un moment de leur évolution. Très souvent transitoire, le ralentissement du pouls peut être manqué si les contrôles sont trop espacés. Signalons l'effet d'une stimulation adrénergique post-traumatique, qui peut théoriquement masquer une bradycardie. Dans le collectif des patients trépanés d'emblée, 13 patients (46,4%) ont présenté ce signe, dont 11 étaient des HE; le douzième avait un HSDA et le dernier un HSDA avec HE controlatéral. Aucun des patients sans hématome ne présentait de signes cardiovasculaires. 72% des patients porteurs d'un hématome intracrânien présentaient soit une bradycardie, soit une élévation anormale de la pression artérielle.

 

b) Les vomissements:

Ce signe aspécifique est apparu chez 40 patients sur les 125 opérés (32%).

 

C) Convulsions:

4% des patients ont présenté ce signe, sans différence significative entre les patients avec et sans contusion cérébrale. La comitialité semble plus fréquente chez les traumatisés crâniens graves, puisqu'elle s'est manifestée chez 18% des patients trépanés.

 

 

 
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